LIMBO (2021)

Publié le 1 mai 2024 à 17:00

En attendant la rédemption

LIMBO

réalisé par Soi Cheang

sorti en 2021

 

Combien d'entre nous se sont déjà posés la question sur ce que nous serions capable de faire à une personne ayant fait du mal à un proche? Jusqu'où pourrions nous aller pour nous faire "justice" ? Beaucoup de films ont tenté d'y répondre, souvent en prenant le chemin jouissif du côté primal de l'être humain - autrement dit, à grand coup de chevrotine directement dans la bouche du méchant de l'histoire. Jouissif parce qu'après tout, il l'avait bien mérité au vu du crime commis. Et comme beaucoup j'imagine, je fais parti de ceux qui aime ce genre de cinéma.

Mais ce que j'aime encore plus, particulièrement dans l'Art et donc dans le cinéma, c'est qu'on me prenne à contre pied. Qu'on me sorte de ma zone de confort, qu'on me questionne sur mes acquis et de manière générale, qu'on me force à aller plus loin dans la réflexion. Parce qu'en réalité, rien n'est tout Noir ou tout Blanc

 

Limbo réussi à être tout cela à la fois. Polar Hong-Kongais réalisé par Soi Cheang (Dog bite Dog, The Monkey King), Limbo nous raconte l'histoire de Cham Lau, un policier vétéran accompagné par son jeune supérieur sur la trace d'un terrible tueur en série, qui laisse derrière lui la main gauche tranchée de ses victimes comme seul indice.

L'enquête étant au point mort, nos deux protagonistes vont s'en remettre à Wong To, une jeune repris de justice fraichement sortie de prison pour avoir envoyé la femme de Cham Lau dans le coma. Prête à tout pour expier ses pêchers et obtenir le pardon de Cham Lau, Wong To n'aura d'autres choix que de suivre les deux enquêteurs et les aider à retrouver le meurtrier, dans une atroce et vertigineuse descente aux enfers.

Tourné en couleur et converti dans un somptueux noir et blanc, soulignant visuellement la zone de gris qui existe entre le bien et mal, Limbo est autant une claque visuelle que cinématographique. 

Le travail colossal en post-prod, la photographie, les décors et la lumière subliment le propos et la narration exemplaire de cette terrible plongée dans les tréfonds de l'âme humaine. Car oui, le sujet est bien l'humain dans ce qu'il a de plus terrible et de plus beau à offrir. Et c'est exactement ce qui créé le malaise : la nuance !

 

Si simple a comprendre mais si difficile à concevoir, la nuance est ce qui définit tous les protagonistes (/antagonistes?) de cette histoire. Cette nuance qu'on cherche à éviter car nous obligeant à prendre du recul sur des situations qui nous touchent de manière viscérale, nous est ici imposée sans possibilité de détourner le regard.

 

Un flic tiraillé entre sa quête de justice et sa soif de vengeance personnelle, une paumée junkie au dernier degré ayant commis l'irréparable, à qui la vie n'a fait aucun cadeau, il est difficile de ne pas remettre en cause sa propre morale devant ces situations abjectes qui vous pousseront à ressentir de l'empathie pour ces personnages odieux à l'attitude pourtant si humaine.

 

La justice comme moteur, la violence comme moyen et la rédemption comme objectif final, Limbo laisse des traces et c'est tout ce qu'on demande à un film de cette envergure.

Récompensé aux Hong Kong Film Awards 2022 dans 4 catégories (meilleur scénario, meilleurs décors, meilleure photographie et meilleure actrice), ce film va vous faire mal et ça fait un bien fou.

Soi Cheang assume son propos en allant au bout de celui-ci, sans chercher à l'aseptiser pour rendre son film accessible à un plus large public et ainsi s'assurer une meilleure distribution (suivez mon regard). Il a une histoire à raconter et la copie qu'il livre est à couper le souffle.

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